25/02/2009

Bisbille au Pôle Nord 7




Par plus de moins cinquante-sept degrés Celsius à l’ombre du soleil de minuit de l’île d’Ellesmere, je n’avais pas le goût de pavoiser davantage sur la pluie et le beau temps. J’étais d’humeur difficile, voire susceptible de sombrer rapidement dans les joies d’une petite colère bien méritée… Par ce temps polaire, je rêvai d’un igloo propre et douillet, d’un repas sommaire chaud ou froid servi sans cérémonie par mes amis les Innus autour d’un feu de brindilles de saule quelque part entre le village de Grise Fiord et le Nord légendaire. Je désirais la tranquillité d’esprit et de corps pour tout l’équipage avant l’heure du départ de la grande expédition vers le Pôle Nord…

Je m’apprêtai au combat malgré plusieurs réticences personnelles. Je n’avais pas le choix de créer un passage vers le nord au centre de ses importuns visiteurs. Outrageusement, les sbires me barraient la route. Je devais donc prendre parti avant l’heure du souper sur la banquise: foncer droit devant ou contourner l’obstacle ? Je devais opter pour la meilleure décision de l’heure. À l’évidence, les malandrins ne portaient pas de gants blancs. Je devais donc agir au plus vite et faire en sorte que tous les membres de mon équipage se retrouvent sains et saufs sous les abris de nos amis les Innus.

Derrière moi, les cent quarante-six habitants de l’île Ellesmere observaient les étranges pirates qui une fois de plus osaient se pavaner comme des rois sur leurs terres de glace. Depuis leur arrivée sur cette terre avec leur ignoble commandant, ils avaient fait preuve d’une grande ignorance des mœurs des gens du pays. La courtoisie n’était pas à leur menu du jour.

Je m’attendais à ce que leur chef fasse preuve de courage et se montre le bout du nez. Je fus déçu. Le traître demeura invisible tout le long de cette mise en scène destinée à nous intimider. Exaspéré par ce prélude qui ne menait à rien de positif, je décidai de mettre un terme à ce quiproquo :

-- Tout le monde derrière moi. Je me charge de la marche en avant. Messieurs, je vous avais prévenu, je ne suis pas d’humeur à la rigolade. Laissez-nous passer !

-- RRRRRROOOOARRRRD !

Un cri suspect et inattendu déchira l’atmosphère déjà tendue. Je crus reconnaître la voix d’un homme des neiges ou quelque chose du genre. Je n’arrivai as à définir la source de ce chant bestial. Les chiens de traîneaux se mirent à aboyer fortement invitant les maîtres à quitter les lieux au plus vite. Je cherchai du regard le responsable de ce cri démentiel. Au bout de quelques minutes, je compris l’astuce :

-- RRRROOOOARDDD !
-- À tribord tout! capitaine. Deuxième obstacle droit devant !

La bête était immense. Il fonçait droit sur nous. Je compris que nous devions filer au plus vite en direction opposée. Tous les voyageurs se blottirent dans les traîneaux à chiens. Je désirai profiter de cette confusion entre les pirates et cet incroyable ours polaire pour quitter cet endroit de malheur. Je dirigeai l’expédition hors de tous dangers…

Je demeurai seul entre les deux cents pirates et l’ours de l’enfer du Nord.

À suivre

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1. Illustration: Robert Bateman. Ours.




4 commentaires:

  1. L'ours de l'enfer du nord, il lui reste encore de la banquise ?

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  2. Bonjour Souffledame,

    Il lui en reste un peu,mais très peu...

    La banquise fond à vue d'oeil...

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  3. Malheureusement avec l'enfer, le feu chauffe. Aie, aie.

    Bien à vous.

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  4. Oh ! Bien cette nouvelle *
    Depaysant ; )

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