04/02/2009

Bisbille au Pôle Nord 6


L’île d’Ellesmere était devant nous. Nous avions dérivé dans la mer jusqu’à cette terre sévère, mais hospitalière. Le petit avion qui survola notre navire effectuait un vol anodin de reconnaissance. Ce hasard, cette rencontre des Dieux de la mer et du ciel nous permirent de mettre un terme à cette situation catastrophique.

Le territoire tant recherché se profilait devant nous. Les portes du Pôle Nord s’ouvraient à notre pauvre équipage. Nous étions sains et saufs, mais drôlement amochés. Le moral des troupes n’avait rien de réjouissant. Le Marsouin I gisait à tribord… La moitié de mon voilier était carbonisé. Les dégâts étaient considérables. J’entrevis de longues réparations à l’agenda. Ce programme inévitable me parut extrêmement difficile à réaliser en plein hiver polaire.

Qui plus est, notre mission vers le Pôle Nord était menacée par le climat terrible du Nunavut. J’avais promis à Robert mon assistance dans ses projets. Néanmoins, je devais d’abord et avant tout penser à la sécurité de tout l’équipage. Ce qui incluait celle de notre nouvel ami. Je n’avais nullement l’intention de l’encourager à poursuivre une entreprise vouée à l’échec si la conjoncture de ce voyage vers son rêve s’avérait trop périlleuse.

Voilà pour la sagesse et les bonnes intentions du capitaine.

Pendant que je distribuai mes ordres au quartier-maître et que monsieur Washington tentait de panser les brûlures d’Oncle Pierre, des cris familiers résonnèrent au loin. Je reconnus rapidement le langage de mes amis, les Innus. Les irréductibles habitants du froid se rendaient à notre rencontre. Alertés par la fumée qui émanait du Marsouin I, ils avaient rapidement rassemblé leurs attelages et lancé leurs fabuleux chiens de traîneaux vers nous.

Bientôt, les aboiements des chiens se firent rassurants. Bobby, le chien de Robert se mit à courir dans tous les sens sur le pont. À l’évidence, le quadrupède se réjouissait d’un tel accueil. Après 36 jours d’hivernage dans les glaces, le fier animal avait rudement envie de se dégourdir les pattes avec ses semblables, et surtout de se mettre au travail !

Mille millions de tempêtes des tropiques ! Il me sembla que tout le village était venu à notre secours. Plus de 50 robustes Innus nous encerclèrent. Leurs chiens s’arrêtèrent près du navire, fiers de leur découverte. Sans perdre une seule seconde, j’invitai le groupe sur le navire, enfin ce qu’il en restait de mon noble voilier. Aussitôt, une délégation impressionnante nous encercla et se mit à nous saluer de cordiale manière.

Je conclus rapidement une entente avec le chef du village. Nous avions besoin de nous restaurer et de nous reposer avant d’entreprendre les recherches concernant les infâmes pirates qui nous avaient mis dans cette horrible situation.

Je confiai la garde du Marsouin I à Monsieur Cenfaçons, puis je guidai tout le reste de l’expédition vers le village de nos hôtes. Le long cortège de traîneaux à chiens se mit en branle dans l’immensité glaciale de l’île d’Ellesmere. Nous naviguions sur cette terre de glace depuis peu lorsque soudain…

Surgit l’ombre d’une troupe de malabars. Bientôt, devant nous, je pus entrevoir les mines patibulaires de cent sbires inconnus qui sans nul doute se préparaient à nous faire des misères. Les malandrins s’avancèrent sans vergogne vers nos attelages….

Mille millions de tempêtes des tropiques ! Il faisait froid. Moins 75 degrés Celsius! Il faisait noir ! Dame lune était en noir! Je n’avais pas le temps de faire des exercices de quoi que ce soit ni de civilités avec ces importuns. Bref, je n’étais pas d’humeur à causer de tout et de rien sur la banquise… Je me pointai hors du traîneau et je toisai le groupe avec intensité…

-- Messieurs, je suis un peu pressé par le temps et l’humidité. Je refuse votre amitié. Aussi, allons droit au but. Il va y avoir combat !

À suivre…


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1. Illustration: L’Alabama. Naufrage. 1864. Chicago Historical Society.
2. Illustration: Robert Peary et ses chiens.





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