14/01/2009

Bisbille au Pôle Nord 5



-- Ouah! Ouah!

Poly, le chien de Robert se mit à aboyer et à courir autour de nous. Le pauvre animal tentait par tous les moyens de nous signaler le début d’incendie sur le voilier. Nous nous dirigeâmes à toute vitesse vers le bateau. La glace qui emprisonnait le navire ne nous facilitait pas la tâche. Nous avancions sur la banquise avec peine. Cette course dans le noir et le tangage polaire devint un véritable cauchemar.

Mille millions de tempêtes des tropiques ! La véritable débâcle était sur le pont du Marsouin I. Le feu avait pris naissance au pied du grand mât. Le vent devenait complice de cette catastrophe, tant et si bien que les dommages se propageaient à folle allure ! Monsieur Washington s’agitait autour du mat et visiblement tentait de mettre un terme à ce malheur :

-- Mister Capitaine, je suis désolé. Je voulais vous faire la tisane du soir, malgré nos déboires. Et… ho! Misery ! Le feu a pris ce chemin. Je suis dans le pétrin.
-- Monsieur Washington, ce n’est pas le moment de m’expliquer l’heure de mes tisanes. Je vais vous faire colère ! Monsieur Centfaçons, tout le monde sur le pont ! De l’eau en grande quantité !
-- Mais… Capitaine, nous n’avons plus d’eau à bord. C’est ce que je tentai de vous expliquer. Je voulais utiliser de l’eau de mer pour vous faire une tisane…
-- Par les crevettes roses de la mer Noire ! Cessez de me tournicoter les moustaches avec vos explications. De l’eau ! Il nous faut de l’eau !

Les enfants ! L’heure est grave ! Le feu se propage au grand mât et au gréement à une vitesse affolante. Le vent se met de la partie et attise notre malheur. Et comme un malheur ne vient jamais seul, une petite voix s’élève dans la nuit :

-- Ohé ! Monsieur Capitaine ! C’est que, je suis toujours de quarts dans ce mât de malheur. Je vous demande assistance, et j’insiste ! s’écria Oncle Pierre, prisonnier sur le hunier.
-- Ouah ! Ouah ! aboya de toutes ses forces Poly, en m’indiquant la direction de la seconde calamité.
-- Mille millions de tempêtes des tropiques ! Homme de vigie, ne bougez point, je vole à votre secours.

Je tombai la casquette et le veston. Je pris la seule décision qui me sembla opportune.

-- Monsieur Centfaçons, s’il vous plaît. Tous les hommes à la manœuvre et au galop ! Sortez les scies, les haches. Il faut couper le mât. Un homme est en perdition.

Le feu n’était plus qu’à quelques centimètres de notre compagnon. Pire, il gagnait du terrain sur le pont et menaçait de se propager à tout le bateau. Les matelots s’affairaient sur le mât et le gréement comme des fous. Néanmoins, l’incendie faisait rage et Oncle Pierre disparaissait de plus en plus dans la fumée.

Je décidai de risquer le tout pour le tout en tentant de briser le mât en deux et de délivrer le captif, en l’entraînant vers les glaces. Je tirai de toutes mes forces sur les câbles…

Soudain, un bourdonnement étrange se fit entendre à bâbord. Les feux d’un bolide inconnu surgirent de la nuit polaire. Brusquement, l’engin survola le Marsouin I. Contre toute attente, un avion nous avait repérés et s’apprêtait à nous porter secours.

Cette apparition miraculeuse fut suivie d’un épouvantable cri de détresse de notre ami. Le mât se brisa en deux, entrainant l’Oncle Pierre dans sa chute. Aussitôt, le bolide revint vers nous et nous aspergea d’eau de mer de toutes parts. Le Marsouin I fut inondé de long en large par l’opération providentielle de l’hydravion !

Au bout de trente-deux minutes et seize secondes, l’incendie à bord du voilier était totalement terminé.

L’Oncle Pierre se remettait de ses émotions.

L’île d’Ellesmere était devant nous…

À suivre…

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1. Illustration: Caspar Friedrich



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