30/12/2008

Bisbille au Pôle Nord 3






À vue de nez, de moustaches, devrais-je dire, la ballerine bleue de l’océan mesurait de 35 à 40 mètres… Hors de tout doute, la dame de la mer pesait plus de 200 tonnes ! Je le sais de sources sûres puisque cette bleue baleine reposait en lieu sûr, sur ma casquette !

Mon cœur battait à tout rompre, car je n’avais pas le temps de conter fleurette à la belle aventurière. Je devais trouver un passage nord quelque chose dans ce mur de glace qui nous barrait la route vers le Pôle Nord. Mon cœur en émoi tentait d’expliquer la situation à la dame au cœur de 700 kilos… Rien à faire ! La demoiselle roucoulait de bonheur en me murmurant des chants de baleines passionnés, tout en me donnant de délicats baisers du bout de sa langue de quelques… 4 tonnes !

Mille millions de tempêtes des tropiques ! Je ne sais pas ce qui me poussa à lui signifier l’émergence d’une petite colère, une bleue, mais je lui murmurai gentiment un psaume marin d’urgence, l’implorant de me céder le passage au nord. Le rorqual ne sembla pas comprendre mes demandes. En guise de réponse, la bête redoubla d’ardeur dans la danse et m’entraîna au loin, loin du Marsouin I, loin de mon quart de travail.

Par les crevettes roses de la mer Noire ! J’eus droit à une visite de qualité de son domaine privilégié. Pendant plus de quarante-cinq minutes et quinze secondes, la baleine me balada dans les courants polaires, naviguant parmi les glaces, les icebergs et les requins !

Je ne sais pas ce qui me mit vraiment hors de moi. Était-ce monsieur Centfaçons qui de la timonerie du voilier me conseillait vivement de profiter de la situation pour briser les glaces à ma portée ? Oncle Pierre qui me demandait de mesurer les fanons de la baleine ? Monsieur Washington qui composait une aubade à la dame bleue sur son banjo… au lieu de terminer ses quarts de travail ? Oui encore, Monsieur Parry qui montrait de l’impatience dans le développement de l’expédition vers le nord… et qui craignait de perdre la trace de l’impétueux coupe-jarret responsable de toute cette mutinerie à bord de son navire affrété.

C’est vague ! L’origine de cette tempête émotive demeure mystérieuse. Cependant, je peux vous affirmer que la promenade en apnée que je tentai d’apprécier me donna plus de cent sueurs froides. La baleine plongea vers les profondeurs avec ardeurs. Je l’enlaçai tant bien que mal afin de maintenir ce mince équilibre. La navigation fut périlleuse. Néanmoins, la bête se faufilait sous les icebergs, doublait les monstres de glace avec une intensité phénoménale ! Au bout de trente minutes et deux secondes de cette exploration sous-marine impromptue, le théâtre de glace avait considérablement changé : tous les icebergs étaient rassemblés en un immense château de glace !

En remontant à la surface, du haut de mon destrier marin, je pus constater le travail : un passage vers le nord était devenu réalité. Je félicitai la dame pour son aide avec affection. Néanmoins, je ressentis, une fois de plus, une petite colère se poindre à l’horizon. Côté Sud, la scène était d’une nature beaucoup plus dramatique…

Le Marsouin I avait essuyé les vagues de cette formidable bataille polaire contre les géants blancs de la mer. Mon navire gisait à bâbord au sommet d’un gigantesque tesson d’iceberg. Contre toute attente, nous étions échoués sur une île de glaçons, au beau milieu de l’océan Arctique.

Mille millions de tempêtes des tropiques ! Notre voyage vers les îles Ellesmere était fortement compromis. Nous faisions face à un hivernage forcé dans les glaces !

À suivre…

__________
1. Illustration: L’Acors Burns prit dans les glaces de l’Arctique. 1876. Kennedy galeries, New York.



Souscrire Ajouter à Technorati Add to delicious

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez utiliser certaines balises HTLM, comme b, i, a.