19/12/2008

Bisbille au Pôle Nord 2



Le Marsouin I mit le cap droit devant, direction nord nord-nord! Le blizzard s’entêtait à nous faire des misères. La visibilité était presque nulle. La navigation parmi les vagues de plus de cent mètres et les icebergs gigantesques devint plutôt ardue. Malgré tout, sous la direction de votre humble serviteur, l’équipage réussit à maintenir le cap du cap, et ce, à plus de trente nœuds à l’heure.

Ce spectacle me ravit le cœur, suscita ma bonne humeur. Je humai le vent de l’aventure avec bonheur. L’honneur de mon voilier, de mon équipage était le sujet de l’heure de mon journal de bord. Nous avions une dette marine envers notre rescapé. Je lui avais promis de retrouver la trace de l’infâme personnage, ce soi-disant capitaine, qui l’avait abandonné en pleine mer glaciale. L’odieux marin d’eau douce laissa dériver la chaloupe de sauvetage minuscule de notre compagnon sans la moindre provision de bouteilles d’eau douce…

Qui plus est, L’Espagnol mal éduqué poussa l’outrage au maximum en dérobant tous les documents, les cartes et les équipements scientifiques de Robert sans aucun scrupule. Nul doute, l’homme était une crapule ! Mille millions de tempêtes des tropiques ! Je déteste ce type de coupe-jarret ! Ce briseur de rêves et d’expéditions paerryviennes sera mis sur la déroute, semoncé et remit dans le droit chemin, dussé-je éviter, contourner, démonter, enjamber ou faire exploser tous les icebergs de la mer Arctique !

Ho, les enfants ! J’aimai l’atmosphère qui régnait sur le pont de mon voilier. Tous les marins exécutaient leurs quarts de travail avec passion. Monsieur Centfaçons tenait le gouvernail, Oncle Pierre scrutait l’horizon dans le petit hunier, Freddy Washington peignait la figure de proue sous le beaupré, le cuistot préparait le repas du soir et…

-- Par les crevettes roses de la mer Noire ! Monsieur Washington, s'il vous plaît! Je demande explication. Ce n’est pas le moment de faire de l’aquarelle sous ce beaupré et sous cette mer houleuse. Nous sommes en pleine chasse à la vipère de mer. Où sont vos vêtements chauds, votre chapeau ? J’ai d’autres projets pour vous, mon ami !
-- Je demande pardon, à vous, captain. Je voulais prendre de l’avance sur mon retard accumulé lors de mes derniers quarts… So… Alors, je suis de quart…
-- Monsieur, veuillez sortir de cette impasse «quartienne» sur-le-champ. Je vous somme de faire honneur à votre quart de travail sur l’heure. Cessez ces facéties ! Rejoignez le cuistot et que ça saute !

Je m’apprêtai à faire petite colère, une petite bleue pour la forme, mais l’appel de la mer me fit changer de registre et de couleur.

-- Ohé ! Monsieur le Capitaine ! Machins énormes droit devant ! Je crois que… Ha ! Oui, votre seigneurie, c’est du sérieux iceberg, affirma l’Oncle Pierre.
-- Précisez direction, monsieur, homme de hunier. Je m’apprêtai à faire colère et prendre souper. Alors, je suis un peu pressé.
-- Ohé ! Pas la peine de s’énerver à ce sujet. Il y en partout de ces monstres ! Impossible de se frayer un passage Nord-ouest où nord quelque chose dans cet armada.

Impossible ! Ce mot n’existe pas dans mon vocabulaire. Je concentrai toute mon attention sur cet embargo. L’heure était grave ! Plus de cent géants de glace nous barraient la voie. Sans plus de cérémonie, je me mis à table…

Je m’installai confortablement sur le mat de beaupré et je me mis à causer avec ces bêtes colossales et indisciplinées issues de la région arctique. Le bataillon me sembla important. Une armée de glace contre moi et mon équipage. Ce défi m’apparut digne d’être relevé.

-- Monsieur Centfaçons, s’il vous plaît. Maintenez le cap Nord nord-ouest. Je vais nous fignoler un passage nord-ouest… mémorable et équitable ! Monsieur Washington, préparez mon repas et ma tisane, ce petit exercice sera de courte durée et me servira d’amuse-moustaches.

Je me mis à la tâche. Je repoussai les icebergs à bâbord, à tribord, sans trop de difficulté. Au bout de trente-trois minutes et dix secondes, le combat s’accentuait et allait bon train lorsque soudain… une baleine bleue de deux cents mètres de long, jaugeant un minimum de trois tonnes, décida de faire trempette sur ma casquette !

À suivre…


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1. Illustration: Anton Otto Fisher. Sous le beaupré… Marine.
2. Illustration: Robert Peary. Expédition au Pôle Nord. 1906



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1 commentaire:

  1. Merci monsieur Martinez pour votre aide lors de ce délicat passage du nord-ouest vers votre site, Top Blogues.

    Amitiées.

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