18/04/2009

Bisbille au Pôle Nord 8



Je fis signe à l’équipage de profiter de cette diversion impromptue qui se présentait à nous de façon si discourtoise. L’Oncle Pierre prit les guides de cette expédition côté cour côté banquise avec beaucoup d’élégance, je dois le dire. Aussitôt dit aussitôt partit, mon kiki… Je vis le groupe disparaître derrière moi en catimini.

Je demeurai seul avec cette évidence incontournable : L’obstacle était considérable ; cinquante pirates des Mers du Sud et un ours polaire aux canines admirables. Mille millions de tempêtes des tropiques ! L’heure est grave ! Le défi me sembla intéressant. Néanmoins, le temps nous pressait. L’action était de mise.

Au milieu de cette arène polaire improvisée, je toisai le monstre à bâbord. La bête était superbe et gigantesque. Je tentai une approche amicale, un dialogue de tout et de rien sur la pluie et le beau temps, histoire de jauger l’adversaire blanc à quatre pattes. L’important fut de tenir en respect les espèces de coupe-jarrets écervelés qui agissaient pour la solde de l’homme des cactus des pampas, encore et toujours invisibles, a ce stade de l’aventure. Le couard était de la lignée des traîtres de la pire espèce. Un matelot de fond de cale indigne de gouverner le moindre navire. Ses sbires lui obéissaient aveuglément pour le moment… Ne sait-on jamais?

Je réalisai soudainement aux murmures nuancés de la bête qui s’avançait vers moi que celle-ci était de nature particulièrement dangereuse en cette période de l’année. Dame ourse était mère, et ses petits oursons n’étaient point loin, tout cela est certain. Aussi, je trouvai navrant qu’elle me prenne pour un morse de passage, un éléphant de mer à la rigueur, mais bref, je trouvai terrain de causerie au sujet de ma présence sur son territoire de chasse. Je raclai le fond de mes pensées et surtout je préparai quelques vocalises, puis je lui lançai un premier vers de poésie gutturale :

-- Mrrrrrrrr…… Tuffff. Ouia ouiaouia.


L’approche eut de bons résultats. L’ourse se leva sur ses pattes arrière et me fit les yeux doux. Je devins rouge… je suis timide. Je compris que la dame du nord aimait la conversation et la danse. Elle s’avança doucement vers moi et entama une chanson de geste particulièrement charmante. Je remarquai les sbires à ma droite complètement abasourdis de ces comportements inattendus. Ils tremblaient de peur et se tenaient à bonne distance de nous. Ce préambule dépassait leur compréhension des choses animales. Ils n’avaient aucune imagination et surtout ne possédaient pas l’âme romantique.

J’entrepris une série de chants de gorge avec ma partenaire boréale. Elle s’approcha si bien de votre humble serviteur que je pus lui prendre la patte, puis les deux immenses pattes de devant pour mieux interpréter notre répertoire des hymnes à la nature. Ce fut un opéra de banquise incroyable ! Nos voix se mêlaient à merveille dans ce duo inoubliable. Je dandinai de bâbord à tribord tant et si bien que bientôt les chants s’effectuèrent avec pas de valse et de samba magiques.

Mine de rien nous intensifièrent les chants et les pas de danse. La scène polaire devint de plus en plus vaste. Bientôt, nous passâmes devant le groupe des sbires en pâmoison devant cet exercice. Nous tournâmes autour des pirates… puis nous les encerclâmes. Le rythme de la danse devint infernal. Nous dansâmes autour des trublions pendant plusieurs minutes sans nous arrêter.

Au bout de quinze minutes et deux secondes, les sbires avaient disparu…

Les malandrins étaient ensevelis sous la calotte glaciaire d’un îlot polaire inventé par notre danse «Ode au pôle Nord»….


À suivre…


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1. Illustration: Passage difficile au Nunavut…





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2 commentaires:

  1. Bonjour Mireille.

    Génial ce texte, vraiment, cette danse improvisée est un pur délice, merci.

    La vidéo est impresionnante, ça donne envie d'y être, pour sûr mille sabords !

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  2. Bonjour Eipho,

    Cette danse est un style Cha-cha-chappucinno glacé...

    La finale au sommet est particulièrement périlleuse. Il faut du souffle et du jarret.

    Amitié.

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